Partir à l’aventure est une chose, en famille en est une autre. Pour le pire éventuellement, mais surtout pour le meilleur. Après notre tour du plateau d’Emparis en randonnée l’année dernière, il nous fallait donner suite, et c’est sur un trip Gravel que je décide d’embarquer mes backpackers en herbe (Nico, mon beau-père, s’est chargé de l’itinéraire).
Lecteur, je vous épargne les épisodes préparatoires et organisationnels, et leur dramatique certaine : quels sous-vêtements emmener, quelles lunettes spéciales, quel guide de survie… Autant de détails qui éviteront à l’escapade de basculer dans l’horreur absolue. Retenez seulement que ladite escapade était premièrement prévue en Bretagne, et a finalement débuté à Aix en Provence…
Tous les soirs, je demanderai à Sacha, mon petit frère de 17 ans, de se délester par écrit de ses impressions de la journée, comme je le ferai moi-même (en tête : ce malicieux article). Il en sortira ces « regards-croisés », que je ne vous retiens pas de lire plus longtemps.
J1 : Aix en Provence – Ciotat / 42 km, 640D+
Sasha :
Départ. Un village isolé dans les terres. Un sentiment d’aridité. Cette belle maison sera-t-elle la dernière balise, le dernier oasis avant l’entrée au désert ?
Sans pouvoir parler de chemin de croix, les premiers kilomètres ne riment pas non plus avec promenade. Un chemin parsemé de pierres, qui monte, qui descend. Qui remonte. Les portions qui suivent se calment heureusement, alors que notre route s’élargit et se rétrécit, et nous offre parfois la surface veloutée d’une piste cyclable.
Mais nous voici maintenant face à la « montée du jour » : 500 mètres verticaux que nos jambes devront avaler un par un. En haut. La mer. Cassis, en bas, qu’on aperçoit. Puis la descente, un plongeon prolongé vers cette étendue bleue et fascinante, avant de rejoindre notre première et jolie ville-étape : la Ciotat, qui vit les pieds dans l’eau.
Anna :
Enfin, c’est parti. Enfin, car je passe sur une autre étape préalable, qui nous offrit le plaisir de visiter en catastrophe la zone commerciale, et le Decathlon local. Avez-vous remarqué comme une roue de vélo fonctionne moins bien sans son axe ? Voici : celui de ma roue avant, dont le retrait est nécessaire à son démontage, passera, c’est inéluctable, la semaine dans le coffre de ma voiture, dans la campagne iséroise.
Suite à ce petit « désaxage », heureusement réparé, nous voici d’entrée de jeu sur un chemin très technique. Pour ma mère, c’est déjà trop. Je nous vois rechargeant les vélos dans la voiture et retour maison, avec mon axe aixois. Je le sens, dans cinq minutes, ce sera déjà la fin.
Pousse-vélo, descente à pied sur plusieurs parties. Une chute, plutôt gentil. On verra demain comment ça va (ou si on coupe). Finalement, nous découvrons que la sortie de l’enfer à l’apparence d’un beau chemin entre les pins, où crissent les cigales. Ouf. Cependant, celui-ci nous amène assez vite devant un portail cadenassé. Ok, on passe les vélos par dessus, et ce petit parcours du combattant fait notre pépite de la journée !
Bientôt nous filons à nouveau sur l’asphalte. Bord de route, mais avec les pistes cyclables, ça n’est pas tout à fait désagréable.
Au bout du chemin on aperçoit l’eau turquoise, puis la Ciotat, notre objectif de la journée.
Le soir je leur explique le principe de Pépite Râteau (vous connaissez?), et on fait le tour de la table. Nouvelle expérience, nouvelle aventure. Nous sommes heureux.
J2 : Ciotat – Carqueiranne / 48km, 700D+
Sasha :
Un bon bout de chemin aujourd’hui, afin de relier Carqueranne. L’entame du parcours est d’ailleurs assez costaude. Du D+ et des pentes jusqu’à 18% à « enjamber »… Le sommet n’est pas donné. Cependant la vue magnifique, sur un paysage où mer et maisons provençales se côtoient harmonieusement, atténue largement la difficulté de l’ascension.
La descente récompense d’autant plus l’effort que le littoral, veinule irisée, fait quelques apparitions. Le reste de l’étape est plutôt balade : petit dénivelé positif, et autoroute pour cyclistes à savoir une piste aménagée façon grand luxe. Agréable.
Un petit « raidard » final vient toutefois déranger le peloton, et nous rappeler que l’étape ne se termine pas avant la ligne d’arrivée.
Anna :
Pour éviter de faire du vélo dans une marmite, la stratégie consiste à se lever tôt, stratégie que nous décidons aujourd’hui d’adopter.
Pistes cyclables jusqu’à atteindre la montée d’une colline parmi les vignes. C’est raide. Je finis même par pousser le vélo. Cela dit, le panorama est vraiment mémorable !
On descend, on récupère la piste cyclable, sentier du littoral, jusqu’à Carqueranne. Dernière montée avant arrivée, les cuisses sont en feu !
Pour l’instant c’était la plus belle journée.
J3 : Carqueiranne – Hyères – Presqu’île de Giens / 33km, 270D+
Sasha :
Nous démarrons à 10h du matin, de la villa où nous fûmes royalement hébergés par des amis, pour dévaler la pente gravie la veille. Pour le reste de la journée, nous pouvons parler d’une étape de plaine. Nous longeons le littoral et nous rendons aux anciens salins situés à 15km de notre destination du jour. La halte est fort appréciable avec un très beau paysage méditerranéen. Puis nous rejoignons l’hôtel où nous avons pris quartier un peu plus tôt.
Anna :
Une petite journée, journée repos. On en profite pour visiter les anciens salins d’Hyères, d’où nous partons conquis ! Beau petit chemin entre la mer et les salins.
Partis un peu tard, et, inévitablement, le soleil chauffait trop.
À peine arrivés à l’hôtel, direction la plage, où nos orteils recroquevillés rencontrent une eau décidément froide, mais qui n’arrêtera qu’une maman peu friande de bains froids.
Ce temps vacancier nous porte naturellement vers un petit resto avec musique live, sous les pins. Le coucher de soleil doré transperce les arbres, donne au tableau une ambiance reposante et magique.
On sent qu’il est tout de même trop tôt pour rentrer… Pourquoi pas aller voir le soleil couler de côté de Madrague ? On pédale comme des fous, en riant, pour arriver à l’heure ! Si bien que, m’arrêtant pour faire des photos, je me retrouve seule, enfant égarée au bord de la route.
Réunis, on reste un moment, à attraper des yeux les derniers rayons.
Retour, petite suée, douche, dodo.
J4 : Presqu’île de Giens – Carqueiranne / 27km, 460D+
Anna :
Au matin, garçons et filles se séparent : avec ma maman, on part pour le tour de l’île de Gien. Que j’espère faisable ! Ayant demandé à deux personnes si ça passait en vélo… Oui Oui !! they said… Et nous voilà à faire de la rando littorale avec les vélos (celui de ma maman est électrique, lourd, avec les sacoches) sur le dos.
Ajoutez à cela que les échappatoires escomptées étaient bel et bien fermées, par cadenas. Heureusement, nous tombons sur de gentils néerlandais (j’imagine) qui nous aident au portage, et nous tirent d’affaire. C’est la première et sûrement la dernière fois que ma mère va faire du vélo avec moi, me dis-je à ce moment !
Notre tournée insulaire se poursuit. Un coup de mou ? Badoit avec rondelle et ça repart.
Retour par la route entre les salins et la mer, avec un salut aux flamands, roses et maniérés.
Dernière montée qui fait trembler les cuisses et nous bouclons la boucle !
Déjeuner et sieste au bord de la piscine sans scrupules aucuns !
J5 : Carqueiranne – Saint-Maximin-la-Sainte-Baume / 58km, 860D+
Sasha :
La plus longue étape, kilométriquement parlant, avec un profil en montagnes russes. Un parcours physique, mais il est bon de devoir puiser un peu dans ses réserves. Cerise sur le gâteau, nous nous baignons froidement dans une rivière, puis chaudement dans la piscine de notre hébergement, avec un corps qui fait l’ascenseur – thermiquement parlant.
Anna :
On part de bonne heure. 7h, étirements. 7h30, petit-déjeuner avec la vue sur la mer. 8h, départ. 9h les jambes se réchauffent, on retrouve le chemin gravel. 9h30, je crache les poumons avec une montée à 18% dont je ne vois pas la fin.
Vaincue – cette bosse ! On continue en alternant les chemins et les routes. Les chemin sont assez techniques, raides par endroits. J’arrive à descendre mais dur la montée. On traverse une petite rivière, les garçons essayent de traverser, en vain, pieds mouillées ! Ils décident de s’y baigner tant qu’à faire.
On traverse les petits villages sympas et pittoresques.
Vers 13h la glycémie commence à chuter doucement.
On accélère à fond. Arrivés ! Déjeuner à 15h, sieste. Nous découvrons le vrai fond de Nico, qui a caché encore une fois le vrai dénivelé et distance pour ne pas nous décourager.
J6 : Saint-Maximin-la-Sainte-Baume – Aix-en-Provence / 38km, 420D+
Sasha :
Dernier jour, avec un programme allégé : une dénivelé positif divisé par deux, par rapport au menu de la semaine, et un rationnement également sur les kilomètres : bref une diète musculaire plus ou moins nécessaire, pour finir ce trip en famille. Très bien, mais nous sommes moins enclins au traitement à base de seaux d’eau de pluie qui semble se préparer, dès les premiers coups de pédales. Efficaces, nous esquivons les gouttes, et, de chemins escarpés en petits villages, nous arrivons à destination, à midi sonnant. Une baignade en piscine parachève cette journée, et le retour se fait très normalement – en voiture.
Anna :
Dernier jour ! On quitte à regret une petite maison de campagne, typique de Provence, un lieu à l’ambiance particulière…
Il est tôt, on sort difficilement du lit, surtout qu’il pleut un peu.
Café, petit-dèj, et nous voici déjà roulant à travers les vignes, sur de jolis chemins bordés de fleurs bleues. Le tout avec la vue sur Sainte Victoire. Me reviennent mes souvenirs de l’année dernière où je fis le tour de la fameuse montagne, l’un de mes plus beaux en Gravel .
On retrouve la route, on passe les petites villes où la vie semble quasi endormie. Je reconnais certains lieux déjà aperçus il y a trois ans, quand j’ai fait Albertville – Toulon.
On s’arrête pour pour café, derrrière trois cyclistes. Salut. Quatre cafés, smoothie et brioche à la cannelle. Le carburant pour les quinze derniers kilomètres.
Nous retrouvons notre point de départ, heureux et tristes. Tout ça est passé trop vite.
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