Il est des moments dans la vie, où l’on a besoin de se reconnecter à soi, de se retrouver… Le trip qui va suivre est issu d’un de ces moments. Besoin de partir. Partir seule.
Un ami avait invité les copains à passer une semaine en Corse, dans la maison de ses parents. Je me suis dit parfait, Albertville – Toulon, voilà un beau voyage, avec la carotte au bout !
L’itinéraire est planifié, les sacoches amarrées. Mes étapes sont : Albertville – Grenoble – Villard de Lans – Die – Valdoule – Sisteron – Saint-Maximin-la-Sainte-Baume – Toulon, 8 jours, 500km, 6500D+. J’essaye d’être minimaliste mais je ne connais rien encore au bikepacking. Je décide de ne pas prendre la tente pour cette première, mais aussi pour rassurer une maman toujours inquiète du sort de ses enfants.
J’enjambe le vélo, et hop, direction Grenoble. Mission : dire adieux à mes parents, dormir, et le lendemain, le Sud ! Je profite de ces kilomètres préalables pour ajuster mes bagages, réveiller les jambes, et me donner confiance.
Ça y est, je pars… À ma grande joie, mon frère m’accompagne sur la deuxième étape ! Et pourquoi pas partager ensemble, un jour, l’aventure, l’effort, le bonheur de relier gratuitement et frénétiquement des points sur une carte ?
Nous avalons hardiment les kilomètres tandis que, tel un directeur sportif du Tour de France, ma mère nous suit afin d’assurer le retour au plus vite du benjamin de l’équipe au bercail. À Villard de Lans, la ligne d’arrivée, tragiquement mon équipier est contraint à l’abandon, et rentre avec la voiture-balai.
Jour 3. Une machine est lancée. Curieusement, à chaque coup de pédale, j’actionne un mécanisme qui fait basculer le paysage d’avant en arrière, donnant aux arbres, aux ponts, aux maisons une vitesse inédite. Spectatrice étonnée et matinale, je me contente de tourner les jambes avec euohorie, jusqu’à ne penser plus à rien, ni ne sentir plus rien que le bonheur d’être là, filant sur mon vélo. Je roule, et mes idées se dégagent.
Mais la route est longue (les hébergements sont rares dans la zone), et petit à petit, la course effrénée des choses en bordure de la route ralentit, pour tendre de plus en plus vers une paresseuse procession. Chaque kilomètre à conquérir, avec des jambes qui se rappellent la journée de la veille. Je finis, au mental, par rejoindre Die, vidée et comblée à la fois.
Tout se déroule parfaitement, les dieux de la météo sont avec moi, pas de pluie, et des nuits rafraîchissantes.
Rouler à la montagne. Quel plaisir, qu’aucune montée (oui, même la plus infâme) ne pourra gâcher. Je prends le tunnel, je sors et bim ! Col de Rousset. Quel panorama ! Suivi d’une belle descente, d’épingle en épingle. Bonheur !
À Valdrome, misère, pas de logement. Le seul gîte dans le coin est Fully booked. J’essaye de trouver quelques chose… finalement je tombe sur le maire du village, qui me propose un gite communal, parfait ! Il ressemble à une grotte, j’ai impression de dormir dans une falaise.
Un peu près à la moitié du parcours, un bruit inquiétant en provenance de ma transmission m’oblige à poser pied à terre. Je pousse la porte de Bikecorner à Sisteron, qui est tenue par 2 jeunes super sympas. Changement de chaîne, et c’est reparti.
Une autre nuit je dors chez une famille, que j’ai trouvé sur l’application Warmshowers. Les enfants me laissent leur chambre. Quelle rencontre ! On échange sur le bikepacking, les astuces, les partenaires, on se donne des tips… Eux, ils préparent le voyage tour du monde dans 2 ans. Ils vendent la maison, la voiture, pour réaliser leur rêve, avec les enfants. Incroyable ! Ils m’inspirent.
Certaines étapes se passent comme dans un rêve, avec de belles routes et chemins, mais d’autres sont plus cauchemardesques, à rouler avec les camions qui passent à 100 juste à coté.
J’essaye de ne pas m’attarder sur ces sections, et fais la course avec les voyageurs motorisés. Fatigue, vent de face : tout ça ajoute du challenge. En approchant de Toulon la température monte brusquement. Midi est assomant.
J’arrive à Toulon, et là, énorme ! Je retrouve un copain, qui est parti de Nice ce jour-là. On fête ça avec un prosecco, pieds dans l’eau, en attendant nos copains, qui arrivent en voiture de Savoie.
Je suis heureuse, je me sente forte, et fière de moi. Et me sens capable de tout. Je me répète encore une fois ma devise : The only limit is the one you set yourself.
Ce voyage touche à sa fin. Certains sont dans l’effort pour l’effort, la recherche de performance… Même si j’aime repousser mes limites, bien plutôt me plaît l’effort au service de la découverte, de la beauté ; comme une forme d’ouverture au monde.
J’embarque pour la Corse, avec le coucher de soleil. J’inspire cet air pleins poumons.
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